Ma venue sur terre


Dans un matin vermeil, je me vois naître.
Le soleil s’est précipité à se lever et briller
Au-delà de mon village. Les choses et les êtres,
Très contents, veulent bien fredonner sans criailler.

Le coq s’est mis à chanter son cocorico mélodieux
Du silence! J’entends la voix suave d’un rossignol.
Heureux d’apparaître dans ce monde très prestigieux
Je crie pour changer l’ambiance avant que le chat ne miaule.

Des cris d’[1]impundu retentissent de tous les coins de notre taudis
C’est de la fiesta, on est venu chez nous avec des vivres et de l’[2]urwarwa
J’entends les uns dire: dansons, c’est du bonheur chez [3]Bōshírwa!
De belles dames viennent féliciter ma mère, suis-je au paradis ?

Au fond de ses entrailles, maman me donnait du lait sans cesse
Très ému de voir sa belle image, je veux rester et vivre avec elle.

Oh ! Je suis heureux de voir cette maison dont l’amour, toujours, me caresse.
En me tenant dans ses bras, elle me montre son grand sourire
Autour d’elle, des voix douces entonnent des chants glorieux, ça me fait plaisir.

Le soir, la nuit tombe, on peut ramasser même une graine d’éleusine tombée par terre
Car le ciel est clair, la lune et les étoiles brillent comme une chandelle.
Mais on ne peut pas dormir, au village s’entendent des coups de tonnerre
Malgré la joie au milieu de ma famille, voilà des présages de la guerre.

La nuit s’assombrit, lune et les étoiles s’éteignent, la crise est sur nos toits.
Et moi, pauvre bébé ingénu, je pleure à cause  de cette ambiance d’agitation
Heureuse de me bercer dans ses bras, maman ne veut pas me dire: tais-toi.

Papa prend sa lance pour commencer notre voyage sans destination.
Mes frères et sœurs devant, maman et moi au milieu et papa derrière
On se dirige au fond de la forêt dense, sans peur du lion ou de sa crinière.

Sur un grand matelas en herbes et des oreillers en feuilles d’arbres et d’arbustes
Nous nous couchons avec les moustiques, les sauterelles et les souris.
Au fond de moi je chuchote : je viens sur terre et voilà un avant-goût à une vie injuste
Je suis entre l’eau et le feu, suis-je arrivé dans un monde des barbares ou malappris ?



[1] Un mot kirundi signifiant un bruit de cris stridents de joie très harmonieux et mélodieux
[2] Un mot kirundi signifiant une bière reçue grâce à une fermentation du vin de bananes et de la farine de sorgho
[3] Le nom de mon père

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